La vaccination contre le Covit-19

Le vécu par un médecin ...

Sa mise en place basée par la disponibilité des différents vaccins a été réservée, prioritairement, aux personnes les plus fragiles, les seniors à risque et au-dessus d’un âge limite ainsi qu’aux professionnels de santé.

La réalisation de cet acte doit être accompagnée d’une brève consultation médicale dont les objectifs sont multiples: vérifier l’état de santé pour s’assurer de l’absence de contre-indication médicale ni d’intolérances à la vaccination, même très rares.

Cet acte a dû respecter l’éligibilité en fonction des priorités. Intuitivement il apparait que pour une proportion non négligeable, il faut rassurer, lever l’appréhension et toujours instruire du bienfait, voire de la nécessité de cette vaccination. En définitive pas mal d’objectifs en très peu de temps, de quelques fractions de minutes à quelques minutes.

Après 200 heures de vacations et plus de 2000 patients consultés, il est difficile de ne pas être «impacté» par cette expérience exceptionnelle même si elle peut varier selon chacun. En quelques secondes, quitte à se tromper, poser une étiquette sur le profil psychologique de la personne pour adapter les questions, instruire des effets, d’abord positifs puis des réactions secondaires. Trouver en quelques fractions de secondes «le bon mot», l’anecdote, voir la provocation humoristique qui les conduisent sereins, souriants aux mains expertes des infirmières et infirmiers. Toujours, très rapidement s’adapter à formuler des félicitations, des encouragements, des remarques qui peuvent devenir sévères: «Ah bon... parce que vous feriez plutôt confiance à ce que vous avez «entendu» des médias qu’à ce que les médecins, instruits de la compétence des communautés du savoir, vous disent!».

Rares sont ceux qui résistent dans la circonstance même si pour certains le «nom» du vaccin est plus important que les bénéfices apportés. La quasi-unanimité des patients nous couvrent de remerciements, de gentillesses même lorsqu’ils associent un «maladroit»: «A votre âge ... bravo pour votre courage!».

Jeunes ou moins jeunes les praticiens sont effectivement volontaires. Sollicités par l’Ordre Départemental ils ont souvent répondu pensant que les médecins avaient suffisamment de retard dans leurs RDV pour qu’il faille les soulager. Et ne voilà-t-il pas que pour leur dédommagement, qui ne conditionnait pas leur volontariat, une indécence administrative discriminative considèrerait les «retraités» comme des ½ non retraités! Bonjour l’«âgisme», bravo le «à travail égal salaire égal»!Moi qui pensais que dans la circonstance le masque cachait mes trop nombreuses rides...

Et malgré ce, ou à cause de ce masque, il faut gérer son comportement avec les personnes connues que l’on ne reconnait pas dans ce flux incessant, celles qui vous connaissent mais que vous ne reconnaissez pas (ou plus) anciens étudiants, internes ou confrères, etc... Gênes, frustrations, surprises peuvent accompagner ces échanges. Dans ce tourbillon de patients qui vous observent avant qu’arrive leur tour, par cette cadence infernale Non-stop pendant 4 à 5 heures ... d’affilé, dans un fond sonore toujours élevé, vous perdez la notion du temps, du lieu.

Certes chacun est différent mais lorsqu’arrive le dernier patient, la rupture brutale du rythme est vertigineuse, difficile de se lever de sa chaise. Par contre l’état d’épuisement n’a d’égal que la gratification personnelle d’avoir rendu service à chacun des postulants si l’on en juge par la satisfaction de la globalité de la prise en charge.

D’indéniables constats confirment ce que l’on savait déjà, l’état de santé des séniors est globalement supérieur pour les femmes que pour les hommes, qui de plus cumulent, plus fréquemment, une déficience auditive... Depuis quelques semaines, le rajeunissement des patients au-dessous de 50 ans confirme aussi malheureusement la fréquence des surpoids. En conclusion de ce vécu, il faudrait que tout un chacun soit convaincu que la vaccination de masse est un acte de Santé Publique au bénéfice direct de chacun mais indispensable pour la Santé de Tous.

Jean-Claude ARTUS Professeur Emérite