Au fil de l'Histoire : Exposé de Mme. Marie-Françoise Haye-Guillaud, officier de la Légion d'honneur, à l'occasion de l'assemblée annuelle de la section du Gard le 25 Février 2017 présidée par le général d'Armée Hervé Gobilliard, président SMLH, et en présence de M. Henri Weill, rédacteur en chef du bulletin « La Cohorte ».
Il porte sur les légionnaires gardois du Premier Empire et les femmes légionnaires dans le Gard.
Première partie : les légionnaires gardois du Premier Empire.
Je vais vous retracer en quelques mots le fruit des recherches historiques entreprises suite au souhait de notre président, l'Amiral Schmückel.
J'ai retenu deux thématiques : les légionnaires du Premier Empire et les femmes légionnaires.
Le fichier LEONORE des Archives Nationales, s'il n'est pas exhaustif, rassemble déjà de fort nombreux dossiers gardois : 3546 hommes et 25 femmes y figurent.
C'est la loi du 29 Floréal AN X, le 19 Mai 1802, qui a créé la Légion d'honneur. La discussion s'est ouverte au Corps Législatif à six heures du soir sous la présidence du gardois Rabaut.
Né à Nîmes en 1746, Pierre Antoine Rabaut fut en 1790 capitaine d'une compagnie de Garde Nationale à Nîmes, juge de Paix en 1791, député en 1793 et procureur syndic du district de Nîmes lors de la création de la nouvelle organisation territoriale. Il connaît quelques difficultés sous la Terreur, est destitué de ses fonctions de juge de Paix. Déclaré hors-la-loi il s'enfuit mais subit un emprisonnement. De retour en 1795, c'est le préfet Gérente qui le nomme membre de l'Administratuion Centrale du Gard. En l'An V, il est nommé au Conseil des Anciens, puis en l'An VIII au Corps Législatif.
Dans le fichier LEONORE, j'ai retrouvé 108 gardois décorés de la Légion d'honneur sous le Premier Empire. C'est en l'An XI, 1803, que furent préparées les premières listes. Il fut décidé que les militaires titulaires d'Armes d'Honneur deviendraient légionnaires de droit, ce qui représentait 2000 décorés au plan national.
A partir de 1803-1804, nous trouvons des militaires dans les promotions par décret. J'ai ainsi dénombré 53 capitaines, surtout d'infanterie de ligne, 10 chefs de bataillons ou d'escadrons, 10 lieutenants ou sous-lieutenants, mais selon le voeux de l'Empereur, de simples soldats ou sous-officiers sont aussi honorés : canonnier d'artillerie à cheval, maréchal des logis de dragons, chasseurs à cheval ou à pied, sergent à le légion du Gard, voltigeur d'infanterie de ligne, gendarme, soit 14 dossiers.
Les plus hauts grades sont ceux du baron Louis Alexandre d'Albignac, lieutenant-général en retraite au Vigan à la fin de sa vie, chevalier dès mars 1805, un général d'Empire. Je citerai aussi le baron François Josèph Pamphile de Lacroix, lieutenant-général des Armées, promu commandeur de la Légion d'honneur alors qu'il était Général de Brigade.
Quelques notices déroulent la carrière de décorés. J'illustrerai mon propos par celle de Pierre Elisabeth Griolet né à Nîmes en 1770, sous-lieutenant en 1791, capitaine en 1792, chef de bataillon en l'An VIII qui avait fait campagne dans l'Armée du Rhin en Hollande, fut blessé à Hendaye par les Espagnols et reçut quatre coups de sabre à la tête d'un bataillon de Grenadiers de l'Armée du Rhin.
Peu civils apparaissent dans le fichier : le chevalier de Lacoste né à Nîmes en 1767, chevalier de la Légion d'honneur en 1810 en tant qu'ancien membre du Corps Législatif ou le baron Jean Pieyre né à Nîmes en 1755, chevalier de la Légion d'honneur en 1804 alors préfet du Lot-et-Garonne.
Je veux à présent évoquer les premières femmes légionnaires.
Là, je n'avais que 25 dossiers à examiner dont beaucoup sont très succints.
La première gardoise chevalier de la Légion d'honneur le fut très tardivememt par decret du 18 juin 1904. Rappelons qu'au plan national la première femme le fut en 1851, nommée par le Prince-Président. Elle avait combattu sous la Révolution et l'Empire.
Pour le Gard, c'est une institutrice, Joséphine Gibelin née à Nîmes en 1862. Directrice de l'Ecole Normale de Bordeaux, elle fut nommée par le ministre de l'Instruction Publique. Elle fut bientôt suivie par une autre institutrice Ursule Rouquette, chevalier en 1910, institutrice à Nîmes. C'est le préfet du Gard, Charles Lallemand, qui lui remit sa croix de chevalier en décembre 1910.
Parmi les décorées suivantes, nous pouvons distinguer deux grandes catégories : celles qui relèvent de l'Education Nationale et celles qui relèvent du monde hospitalier, parmi elles de nombreuses religieuses.
J'ai repéré deux figures marquantes parmi les 25 figurant au ficher LEONORE : une femme de lettres et une virtuose. Vous connaissez tous Marguerite de Marliave née Marguerite Long, la célèbre pianiste. Elle a été fait chevalier en 1921, officier en 1930 et commandeur en 1938 au titre de l'Education Nationale en tant que professeur au Conservatoire National de Musique. Elle était née à Nîmes en 1874. C'est le directeur général des Beaux-Arts qui lui remet sa cravate de commandeur en juin 1938. La notice synthétise ses mérites en ces termes : « Elle a joué dans les plus grands concerts en France et à l'étranger et a fait une propagande active pour la musique française dont elle est une des principales interprètes ». Tout est dit.
Je voudrais vous faire découvrir ou re-découvrir une autre femme de haute qualité, l'écrivaine Jehan d'Ivray dont la vie aventureuse fait réver. Née Jeanne Puech, cette fille du chef de gare de Bessèges qui perdit sa mère très jeune fut élevée par les religieuses au couvent des Dames de l'Assomption de Nîmes. Elle épousa à 17 ans un jeune égyptien qui finissait ses études de médecine à l'université de Montpellier et le suivit en 1879 au Caire puis à Alexandrie et à Tanta où il finissait sa carrière comme médecin-chef de l'hôpital. Jeanne Selim Bey Fahmy ne reste pas inactive durant ses quarante ans en Egypte. Elle a effectué des études historiques sur Bonaparte et l'Egypte, sur les femmes saint-simoniennes et, sous le pseudonyme de Jehan d'Ivray, écrivit de fort nombreux romans exotiques. Je vous citerai quelques titres évocateurs : « Au coeur du harem », « Le Moulin des Djinns », ou encore « La Rose de Fayoum ». Elle était rentrée en France en 1919 au décés de son époux et avait ouvert à Paris un salon littéraire. Fait chevalier par décret du 5 août 1939, elle se fait remettre sa décoration par le président de la Société des Gens de Lettres, Jean Vignaud, commandeur.
Ma pensée finale ira à Augustine Soubeiran née en 1859 à Saint-Jean du-Gard. Elle s'illustra en Australie à Sidney comme directrice d'un pensionnat où se formait.l'élite de la société du pays. Au début de la première guerre mondiale, elle lança une souscription pour les orphelins français et recueillit la somme considérable de 300.000 livres sterling. Elle fut proposée pour la Légion d'honneur et promue chevalier en juillet 1933. Cette croix de chevalier qu'elle avait tant méritée ne lui fut jamais remise. Le Consul Général de France en Australie répondit au Grand Chancelier en mars 1934 qu 'elle venait de décéder.
Ces quelques portraits d'hommes et de femmes au fil de l'Histoire vous auront, je l'espère, intéressés.